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Je continue à appeler le papillon, sur lequel je vais vous soumettre une note, du nom donné par Fabricius il y a cent quarante ans.
Toutes les générations depuis cette époque (et on peut consulter à ce sujet tous les ouvrages manuels et catalogues jusqu’en 1910) ne lui ont pas donné d’autre nom et à ceux qui veulent absolument nous imposer le nom de croceus, sous prétexte d’une priorité contestable et périmée, je répondrai que du temps des Pharaons ce papillon portait certainement un autre nom que croceus. Les changements de nom sont d’ailleurs, en ce moment, à l’ordre du jour ; tous les noms légués par nos maîtres en lépidoptérologie, qu’il s’agisse des noms de genre, de famille, d’espèces et même de variétés connus depuis plus de cent ans, sont successivement changés, quelquefois de façon heureuse et logique, mais le plus souvent d’une façon illogique et malencontreuse ; on en arrive à généraliser ce qui ne devrait être que l’exception et il suffit que de nouveaux noms nous viennent de l’étranger dans un but la plupart du temps commercial, ou sous le couvert d’une érudition fausse mais intéressée, pour qu’ils soient immédiatement adoptés. Au point de vue scientifique : résultat nul, mais confusion et obscurité dans une science qui ne demande que la clarté, ne serait-ce que pour faciliter la travail aux jeunes et ne pas surcharger la mémoire des vieux ; telles sont les conséquences de cette façon de faire.
Ceci dit, je passe à l’étude de Colias edusa avec présentation de soixante et un exemplaires choisis sur deux cents spécimens environ.
Il est peu de lépidoptères qui présentent autant de formes intéressantes que Colias edusa. Après Charles Oberthür plusieurs lépidoptéristes, en particulier Braun (de Royan), qui en a capturé plus de deux mille, et Schirber ont signalé des variétés inédites de cet insecte (Amateur de papillons, mars 1914, n° 11 du volume 1). J’en ai moi-même en 1923 (P.V. de la Soc. Linn., tome LXXV, 3ème livraison) esquissé incidemment une étude et présenté une boîte de 32 exemplaires. Depuis cette époque, j’ai de nouveau sérieusement chassé et étudié cette espèce  et je puis aujourd’hui vous montrer une dizaine de variétés nouvelles pour la Gironde et parmi elles, une ou deux qui me paraissent inédites.
Je commence à prendre pour base de l’étude des sujets types : voici d’abord, dans la boîte n°1, boîte où ne figurent que des sujets jeunes, deux couples type, les sujets mâles portent  comme la grande majorité des mâles, quelques nervures dans la bordure noire des ailes antérieures, alors que dans la bordure des ailes inférieures il y a peu ou pas de nervures. Les femelles comme la grande majorité sont jaune orange.
Au dessous, vous voyez quatre femelles qui se distinguent des deux précédentes par un  fond orange beaucoup plus vif, les taches médianes des ailes inférieures plus rouges et se détachant avec netteté sur un fond jaune verdâtre plus chaud.
A propos de ces femelles à fond jaune orange plus vif que le type, je lis dans les addenda au catalogue (tome LXXVII, 1er fascicule) : « Ab. Megei décrite par Oberthür Vol 3, p.174, Ab.femelle fond des ailes jaune orange vif et les taches dans la bordure noire d’un jaune canari clair. Un exemplaire de Villeneuve de Blaye, Mège ».
Cette dernière partie de la phrase descriptive me laisse, je dois le dire, un peu rêveur. Je me demande, laissant à part les helice, les helicina, les sub-helicina, quelle est la femelle d’edusa qui n’a pas les taches d’un jaune canari clair dans la bordure noire. Etant admis, ce qui, je crois, n’est pas discutable, que toutes les edusa à fond jaune ont les taches couleur canari clair dans la bordure noire, je me borne à dire que j’ai capturé à Villenave d’Ornon (le 25 et le 29 septembre 1900 et 1921, les 2 et 9 octobre 1921, ainsi que les 10 et 25 octobre) six exemplaires, dont 4 ici présents d’edusa à fond jaune orange plus vif que le type.J’ignore si ce sont des megei,  n’ayant pas vu l’exemplairecapturé à Villeneuve de Blaye par l’Abbé Mège, mais si les sujets que je vous montre ne sont pas des megei, je les nommerai Ab. Rutilans parce qu’ils constituent une variété distincte du type par la couleur et surtout du groupe d’exemplaires qui viennent à la suite. Ce groupe, composé de 3 mâles et de 3 femelles, se présente avec un fond jaune orange clair qui tranche singulièrement avec la teinte du type et plus encore, comme je viens de le dire, avec la teinte des 4 femelles précédentes. Ce jaune clair, canari foncé, est plus commun chez les mâles que chez les femelles. Les mâles et les femelles premiers en ligne sont des allées de Boutaut, du 2 et 8 août 1920. Je nomme sub-pallida cette variété qui fait pendant avec une autre plus pâle encore dont il sera question tout à l’heure.
Les sujets qui font suite sont de Villenave d’Ornon : un mâle avec nervures absentes aux deux ailes et 3 femelles avec large bordure noire (une surtout) et taches jaunes absentes en grande partie sur deux et complètement sur une (obsoleta des ailes postérieures), le fond des ailes postérieures est également jaune verdâtre foncé, j’appelle cette variété nigrofasciata si elle n’a pas encore été nommée. Au-dessous, deux sujets, un mâle et une femelle remarquables non seulement par le noir de laur bordure presqu’égal à celui des précédents, mais par leur fond, qui est d’un jaune tellement clair que sur les 200 sujets que j’ai capturés pas un seul ne peut leur être comparé par la pâleur, ce n’est plus du jaune orange, c’est du jaune cédrat. J’appellerai pallida cette variété qui me paraît rarissime et je crois inédite. Ils ont été capturés le même jour à Villenave d’Ornon, le 21 septembre 1924.
J’arrive maintenant à une variété curieuse à plus d’un titre, non seulement parce qu’elle n’a encore jamais été signalée, à ma connaissance, dans le département de la Gironde, mais parce qu’elle est notée par Seitz comme étant une forme de Sicile, c’est l’Ab. faillae stef. C’est une forme mâle chez qui toutes les nervures ressortent en jaune sur la bordure noire jusqu’au bord externe, en voilà 4 exemplaires parfaits provenant de Villenave (3 du 4 et 1 du10 octobre 1925). On ne la trouve pas d’ailleurs qu’en Sicile et en Gironde, Braun après Oberthür en a signalé un exemplaire des environs de Royan qu’il a photographié et fait paraître sans le nommer dans l’Amateur de papillons (n° déjà signalé). Les deux exemplaires qui suivent sont des intermédiaires, puis viennent 4 autres qui sont également donnés par Seitz comme forme de Sicile. Ce sont des velata (ragusa). Ils présentent la particularité suivante : par suite d’un saupoudrage d’écailkles verdâtres le bord semble recouvert d’un léger voile, de là le nom qui leur a été donné. Ces sujets ont été également capturés à Villenave, les 4, 11 et 18 octobre 1925.
Je n’insiste pas sur les spécimens mâles et femelles de variété minor qui terminent la boîte et qui sont très frais, je possède plus petit encore mais moins bon.
Nous passons maintenant à la deuxième boîte où nous débutons par 5 helicina, fond couleur citron clair légèrement safrané et qui sont du type signalé par Daydie en 1907 d’après un exemplaire, puis par Schirber qui l’an dernier nous en a montré deux autres (P.V. tome LXXVI). A ces 5 helicina, tous de Villenave, font suite 10 spécimens d’un ton plus pâle et chez qui la couche légèrement safranée manque, si bien que plusieurs lépidoptéristes a qui je les ai montrés les ont, comme la plupart des auteurs, même ceux qui les ont figurés, comme Seitz, les ont, dis-je, rangés dans les helice ; or ce ne sont pas des helice et cela pour 3 raisons : 1° parce que chez helice le fond est blanc ;
2° chez helice les taches médianes sont  pâles alors qu’ici elles sont d’un rouge orangé vis comme chez helicina ; 3° parce que le dessous est ici plus foncé, en général, que chez helice. Ces sujets occupent donc une place intermédiaire entre helicina et helice, ce sont des sub-helicina, l(une d’elles n’a pas de taches aux ailes postérieures, c’est une obsoleta des ailes postérieures.
Les huit sujets qui suivent sont des helice nettement distincts, comme je viens de le dire, des précédents par leur fond blanc et les taches médianes plus pâles, l’avant-dernier fait partie de ceux que Braun a nommés punctifera en raison de trois points placés en dessus de la bande antémarginale. Une autre punctifera, faisant partie avec le sujet voisin de droite de la variété oberthuri, se trouve au dessous.
La variété oberthuri se distingue des autres helice par le fond des ailes supérieures d’une blancheur parfaite, égale à celle de cetrtaines piérides, de Pieris brassicae par exemple, et par la tache médiane des ailes inférieures qui ressort en blanc sur le fond gris cendré foncé ; c’est une aberration rare, surtout lorsqu’elle se présente comme chez le sujet remarquable que vous voyez à droite.
Nous arrivons maintenant à une variété rarissime qui n’a jamais, je crois, été décrite. Dans Seitz nous trouvons nommée une variété striata forme mâle d’Allemagne caractérisée par ce fait que la bordure noire des ailes antérieures envoie des prolongements en forme de rayons vers le milieu des ailes. J’ai eu la bonne fortune d’en capturer un le 18 octobre de cette année à Villenave d’Ornon et si je l’ai placé dans cette boîte n° 2 où ne figuraient tout d’abord que des sujets blancs, c’est pour faire pendant aux sujets qui se trouvent au dessus ; deux femelles cette fois, une sub-helicina, et une helice dont les rayons sont tellement nets et bien marqués, avec des intervalles si bien arrondis (alors qu’en général la tache des edusa est plutôt diffuse en dedans) que j’hésite à leur donner le nom de striata qui n’a jamais d’ailleurs jamais été donné à un femelle et pour cause. Ici ce n’est plus un bord interne strié quoique bien délimité comme dans le sujet mâle, les intervalles qui séparent les rayons, surtout les deux médians, sont arrondis comme ceux d’une roue de voiture, j’appellerai cette forme radiata, désignation qui, pour qui connaît la valeur des noms latins, me paraît bien appropriée à cette forme.
Le dernier spécimen de la boîte est une aberration mâle accidentelle, je crois ; la bordure noire des ailes est effacée.
En résumé il y a à retenir de ma communication : les aberrations ou variétés suivantes :
En dehors de megei déjà porté au catalogue, ou de rutilans si ce n’est megei :
sub-pallida, 2° nigrofasciata, 3° faillae, 4° velata, 5° sub-helicina, 6° oberthuri,
helice et oberthuri punctifera, 8°striata, 9° radiata auxquels je puis ajouter deux obsoleta des ailes inférieures, soit dix variétés ou aberrations nouvelles pour le catalogue de la Gironde.
Au cours des recherches bibliographiques que j’ai faites pour mener à bien ma communication, il m’a été donné de constater que les maîtres étaient parfois sujets à erreur comme les plus modestes d’entre nous , c’est ainsi que j’ai eu l’occasion de noter deux erreurs sérieuses dans l’ouvrage de Berce . Berce nous dit en effet : « helice diffère des individus ordinaires par la couleur du fond qui est d’un jaune pâle et d’une taille plus grande ». Passe pour le jaune pâle, du temps de Berce les helicina étaient ignorées, mais nous dire qu’helice diffère des individus ordinaires par une taille plus grande est contraire à la réalité, on trouve, et vous pouvez le constater sur les 61 exemplaires ici présents, au moins autant de sujet à grande taille chez les ordinaires que chez les autres. Berce nous dit également « chez toutes les colias connues les femelles se distinguent des mâles par une teinte plus claire ». Vous pouvez constater de nouveau que c’est plutôt l’inverse qu’il faudrait dire, presque toutes les femelles que je vous montre, et je pourrais vous en montrer beaucoup plus encore (helicina, sub-helicina et helice n’entrant pas en ligne de compte) sont en général d’un ton plus vif et plus foncé que les mâles. Les mâles, jaune clair, chez les sub-pallida par exemple, sont beaucoup plus communs que les femelles. J’ai, Messieurs, retenu trop longtemps votre attention et j’ai pour devoir de laisser la place aux autres collègues qui ont annoncé des communications. Je remets donc à une autre séance mes remarques sur les addenda au catalogue, ce qui me permettra en outre d’apporter d’autres exemplaires pour mes démonstrations.

Communication du  2 décembre 1925

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